Article modifié le 16 décembre 2025
L'Anxiété de séparation chez l’enfant

Comprendre les signes, les mécanismes et l’accompagnement possible.
L’anxiété de séparation chez l’enfant constitue une problématique fréquente et souvent source d’inquiétude pour les parents. Si elle fait partie intégrante du développement affectif normal, elle peut, dans certaines situations, devenir envahissante et entraver le quotidien de l’enfant. Comprendre ses manifestations, ses mécanismes psychiques et ses enjeux permet d’envisager un accompagnement respectueux du rythme et de la singularité de chaque enfant.
L’anxiété de séparation : une étape du développement affectif
Dès la petite enfance, l’enfant développe des liens d’attachement avec les figures qui prennent soin de lui. Les travaux fondateurs de John Bowlby ont mis en évidence que l’attachement constitue un besoin primaire, indispensable à la construction psychique. L’anxiété de séparation apparaît généralement entre huit mois et trois ans, au moment où l’enfant commence à différencier les personnes familières des inconnus.
À ce stade du développement, l’enfant ne dispose pas encore des capacités symboliques suffisantes pour se représenter l’absence comme temporaire. La séparation peut alors être vécue comme une perte réelle. Les pleurs, les protestations ou le refus de quitter le parent traduisent un besoin de continuité du lien et de sécurité affective.
À retenir :
L’anxiété de séparation est une manifestation normale du développement lorsqu’elle est
transitoire, proportionnée à l’âge de l’enfant et qu’elle s’atténue progressivement avec la
maturation affective.
De la réaction développementale à l’anxiété de séparation excessive
L’anxiété devient préoccupante lorsqu’elle persiste au-delà de l’âge attendu ou lorsqu’elle s’intensifie au point d’envahir la vie quotidienne de l’enfant. Les situations impliquant une séparation — départ à l’école, coucher, activités extrascolaires — peuvent alors être anticipées avec une angoisse importante.
Selon les classifications cliniques actuelles, notamment le DSM-5-TR, on parle de trouble de l’anxiété de séparation lorsque la peur est excessive, durable et qu’elle entraîne une souffrance marquée ou des limitations significatives dans la vie scolaire, sociale ou familiale.
Signes cliniques fréquemment observés chez l’enfant
Les manifestations de l’anxiété de séparation peuvent être multiples et évoluer avec l’âge. Elles ne se limitent pas aux pleurs lors des séparations, mais peuvent s’exprimer de manière plus indirecte.
- Pleurs intenses ou crises lors des séparations
- Refus scolaire ou anxiété anticipatoire avant l’école
- Peurs excessives concernant la sécurité ou la disparition des parents
- Troubles du sommeil, difficultés d’endormissement, cauchemars
- Symptômes somatiques récurrents sans cause médicale identifiée
Le vécu psychique de l’enfant
Derrière ces manifestations se trouve souvent une angoisse profonde de perte du lien. L’enfant peut éprouver un sentiment d’abandon, d’insécurité ou de danger imminent. Ce vécu interne est rarement formulé avec des mots et s’exprime principalement par le comportement ou les plaintes corporelles.
L’anxiété de séparation n’est pas proportionnelle à la réalité objective de la situation. Elle témoigne d’une difficulté temporaire à se représenter la permanence du lien affectif en l’absence physique. Plus l’enfant est jeune, plus cette représentation reste fragile.
Important :
Ces réactions ne relèvent ni du caprice ni d’un manque de volonté.
Elles constituent une réponse psychique à un sentiment d’insécurité interne.
Facteurs pouvant favoriser l’anxiété de séparation
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’apparition ou à l’intensification de l’anxiété de séparation : événements de vie (déménagement, hospitalisation, séparation parentale), changements scolaires, ou encore expériences de ruptures précoces. Le tempérament de l’enfant et son histoire relationnelle jouent également un rôle important.
Un climat familial marqué par une anxiété diffuse ou des séparations vécues comme imprévisibles peut fragiliser le sentiment de sécurité interne. Il reste toutefois essentiel d’envisager chaque situation dans sa singularité, sans réduire l’enfant à une causalité unique.
Variations selon l’âge et le contexte
Chez le jeune enfant, l’anxiété de séparation s’exprime principalement par les pleurs et le besoin de proximité physique. À l’âge scolaire, elle peut se traduire par un refus d’aller à l’école, des plaintes somatiques répétées ou une anxiété anticipatoire marquée.
Chez l’enfant plus grand, l’angoisse peut être davantage intériorisée et se manifester par des inquiétudes persistantes, une vigilance excessive ou un besoin de contrôle accru. Ces variations soulignent l’importance d’une lecture développementale des symptômes.
Regards cliniques et recherches contemporaines
Les recherches contemporaines en psychologie du développement et en psychopathologie de l’enfant confirment l’importance centrale des premières expériences d’attachement dans la régulation émotionnelle. Les études issues de la théorie de l’attachement montrent que la qualité du lien précoce influence la capacité de l’enfant à tolérer l’absence et à mobiliser des ressources internes de réassurance.
Les travaux de Mary Ainsworth ont mis en évidence différents styles d’attachement, dont certains peuvent être associés à une vulnérabilité accrue face aux séparations. Les recherches récentes soulignent également le rôle des facteurs contextuels, tels que le stress familial ou les transitions de vie, dans l’émergence des troubles anxieux chez l’enfant.
Sur le plan clinique, l’anxiété de séparation est aujourd’hui envisagée comme un signal, révélateur d’une difficulté temporaire d’élaboration psychique. Elle invite à une lecture fine du fonctionnement émotionnel de l’enfant et de son environnement relationnel, plutôt qu’à une approche uniquement symptomatique.
L’accompagnement psychologique de l’enfant
L’accompagnement vise avant tout à restaurer un sentiment de sécurité interne. Il s’appuie sur une écoute attentive du vécu de l’enfant et sur la mise en mots progressive de ses peurs. Le cadre thérapeutique offre un espace stable, contenant et sécurisant.
Le travail thérapeutique permet à l’enfant de symboliser l’absence, de différencier la séparation de la perte et de renforcer ses capacités d’autonomisation psychique, sans précipitation ni rupture brutale.
La place des parents dans l’accompagnement
L’anxiété de séparation concerne rarement l’enfant seul. Les parents occupent une place centrale dans le processus d’accompagnement. Les soutenir, les aider à comprendre les manifestations anxieuses et à ajuster leurs réponses est souvent déterminant.
Un accompagnement peut inclure des temps d’échange avec les parents, afin de réfléchir ensemble aux modalités de séparation, au discours adressé à l’enfant et au maintien d’un cadre sécurisant et prévisible.
Quand consulter un professionnel ?
Une consultation est indiquée lorsque l’anxiété persiste plusieurs mois, s’intensifie avec le temps ou empêche l’enfant de mener une vie scolaire et sociale sereine. Elle permet d’évaluer la situation dans sa globalité et d’envisager un accompagnement adapté.
Consulter ne signifie pas pathologiser l’enfant, mais lui offrir un espace d’écoute et de compréhension à un moment où son équilibre psychique est fragilisé.
Comprendre l’anxiété de séparation chez l’enfant, c’est reconnaître sa vulnérabilité psychique et lui offrir les conditions nécessaires pour grandir en sécurité.
