Article modifié le 05 septembre 2025

IA et santé mentale
Comprendre les dérives pour mieux protéger les personnes fragiles


Les outils d’intelligence artificielle (IA) – assistants conversationnels, “thérapies” automatisées, applis de bien-être – se diffusent très vite. Pour beaucoup d’usagers, ils offrent un soutien pratique. Mais chez des personnes psychologiquement fragiles, une utilisation non encadrée peut renforcer l’angoisse, la dépendance numérique ou retarder une prise en charge humaine adaptée. Ce texte propose une synthèse accessible des principaux risques et repères de vigilance, en s’appuyant sur des sources récentes, notamment Le Nouvel Observateur , l’OMS et l’American Psychological Association (APA).

I. Pourquoi l’IA peut-elle devenir un miroir trompeur ?

Un agent conversationnel répond vite, poliment, 24h/24. Cette disponibilité peut rassurer à court terme, mais l’IA génère des textes plausibles, pas des diagnostics. Les réponses sont génériques, parfois inexactes, et ne tiennent pas compte de l’histoire singulière, du ton, ni des éléments non verbaux qui orientent une écoute clinique. Des articles de synthèse grand public et professionnels ont signalé la montée de l’auto-diagnostic anxieux, de la rumination alimentée par des échanges longs, et de réponses inadaptées face à des idées suicidaires ou délirantes (voir par ex. The Guardian et Scientific American ).

II. Mécanismes de dérive fréquents

  • Sur-interprétation  : une personne vulnérable peut prêter à la machine une autorité excessive et prendre des formulations générales comme des certitudes personnelles.
  • Renforcement des ruminations  : la quête de “réassurance” permanente auprès d’un chatbot nourrit parfois le cycle anxieux (vérifier, re-vérifier, reposer la même question).
  • Dépendance numérique  : l’IA devient un “tiers” constant, qui remplace les échanges humains plutôt que de les préparer.
  • Réponses dangereuses  : en l’absence de garde-fous, certaines sorties peuvent banaliser des idées suicidaires ou valider des croyances délirantes. Des organisations professionnelles appellent à une régulation stricte des “chatbots-thérapeutes” (par ex. position de l’APA devant le Sénat US ).

III. Les limites structurelles des IA en santé mentale

  • Pas de responsabilité clinique  : qui répond ? qui supervise ? qu’en est-il du suivi dans le temps ?
  • Contexte absent  : la machine n’entend ni la temporalité singulière, ni les indices faibles qui orientent un entretien (silences, hésitations, affects).
  • Biais et hallucinations  : même performante, l’IA peut produire des conseils faux mais convaincants. L’OMS recommande des garde-fous éthiques et une gouvernance robuste des modèles (voir guidance OMS ).

IV. Usages à risque : signaux d’alerte

  • Remplacement de toute consultation par des échanges répétés avec un chatbot.
  • Recherche de “diagnostic” en ligne pour des symptômes inquiétants (idées noires, idées de persécution, attaques de panique).
  • Isolement accru : l’IA devient le principal interlocuteur, la vie sociale se réduit.
  • Suivi de “protocoles” trouvés en ligne sans supervision humaine.

Des reportages et mises en garde récentes (par ex. NHS , Stanford ) soulignent la nécessité d’identifier ces signaux tôt.

V. Repères de vigilance pour le public et les proches

  • Rappel de principe  : un outil d’IA n’est pas un thérapeute. Il peut servir à préparer une consultation, pas à s’y substituer.
  • Limiter le temps d’usage  : si l’IA devient un réflexe quotidien “pour se rassurer”, en parler à un professionnel.
  • Vérifier les sources  : privilégier des contenus validés (OMS, autorités de santé), éviter les conseils non référencés.
  • En cas de crise  : contacter un service humain (médecin, ligne d’écoute). En France, numéro de prévention du suicide : 3114 (24h/24, gratuit).

VI. Bonnes pratiques pour les professionnels

  • Informer les patients des limites et risques des chatbots “thérapeutiques”.
  • Intégrer, au besoin, des outils numériques encadrés(de suivi ou psycho-éducation) comme compléments, jamais comme substituts.
  • Encourager un usage critique  : amener en séance les questions soulevées par l’IA pour les travailler dans la relation.
  • Suivre les recommandations de gouvernance (ex. OMS – IA et santé ).

Conclusion

L’IA peut aider à s’informer et à s’orienter, mais la rencontre humaine reste irremplaçable pour accueillir la parole, ajuster le cadre et prendre la mesure d’une souffrance. Chez des personnes fragiles, la tentation d’un “soutien” automatisé peut aggraver l’isolement, figer les angoisses ou retarder des soins. Le bon usage, c’est l’ intégration: outils numériques avec repères éthiques, et accompagnement par des professionnels formés.


Sources principales :